la communication non-violente et le yoga

© Cécile Petit

© Cécile Petit

Lors de mon précédent weekend de formation d’enseignante de yoga avec Lola, nous avons abordé les 9 qualités que doit incarner le professeur de yoga. Parmi ces 9 qualités, il y a celle de la non-violence, ahimsa en sanskrit.

En effet, comment être certain-e de s’adresser à l’Autre sans le brutaliser ou le brusquer, sans générer une réaction de fermeture, un sentiment de rejet, de dévalorisation de soi ? Qui, dans la vie courante, ne se heurte pas à des incompréhensions et des interprétations erronées dues à une forme de communication blessante, jugeante, enfermante etc ? On croit faire le bien en encourageant quelqu’un par des conseils et on blesse cette personne sans le vouloir … Cela est monnaie courante tant les mots ont un impact fort chez chacun-e d’entre nous. Combien de conflits naissent simplement d’incompréhensions mutuelles fondées sur des interprétations des dires de l’autre, où nous finissons par croire que le moteur de l’autre est la malveillance ? Et si nous inversions la question ? Je vous invite à travers cet article à partir du postulat que toute source motivant l’action et la parole de l’autre est la bienveillance. Et qu’il suffit de réapprendre à communiquer grâce à une exigence portée sur la manière de dire, de s’exprimer.

La Communication Non Violente au service du yoga

Ce qui fait que nous ne baignons pas dans un état de béatitude constant tel qu’il est visé par le yoga, c’est le fait que notre mental est imprégné de croyances, souvent négatives sur nous-mêmes ou sur l’Autre. Et que ce mental passe nos journées (voire même nos nuits !) à nous raconter tout ce qui ne va pas, tout ce qu’on aurait dû ou devrait faire, tout ce que l’Autre a fait de mal ou ce qu’il aurait dû faire de bien pour contribuer à notre bonheur. Et nous nourrissons ainsi de la frustration permanente car au lieu d’être à l’écoute de nos besoins et d’œuvrer pour y répondre, nous nous focalisons sur nos interprétations de la réalité et nous enfermons dans un mode de lecture du réel. Ainsi, nous nions la complexité des choses et paradoxalement oublions de goûter la simplicité, l’essence même de la joie : la présence à soi et aux autres, l’observation de la spontanéité et de l’expression de la vie dans chaque instant. En bref, nous nous coupons la plupart du temps de notre capacité d’émerveillement chaque fois que nous rentrons dans l’analyse, l’interprétation et le jugement car nous faisons, à ce titre, de la séparation au lieu de faire de chaque manifestation du vivant un accueil confiant. Souvent, la source du malheur vient de la relation difficile que nous avons avec d’autres car nous nous sentons incompris ou interprété à tort et nous tombons dans le piège de la justification en s’emmêlant davantage avec une farandole de mots et de formulations qui nous dépassent et qui s’emparent de notre pensée. Et si, en apprenant à mieux comprendre notre psyché ou nos besoins et en veillant à communiquer différemment, notre vie relationnelle vis-à-vis de nous-même et des autres s’illuminait du tout au tout ? C’est ce que la Communication Non Violente offre à découvrir. Mais attention, s’immerger dans la CNV requiert de la pratique, de la détermination et une imprégnation patiente à l’image du yoga… Cependant, à l’instar du yoga, c’est aussi une pratique qui recèle des trésors de bonheur, de dépassement, d’élévation à condition de faire preuve de bienveillance, de persévérance et de foi vis-à-vis de notre potentiel et de cette pratique.

La CNV en quelques mots

Elle aide chacun-e à se relier à la partie de soi capable de comprendre avec le cœur et de se faire comprendre sans agresser. Aussi, tout comme pratiquer yoga permet d’éveiller l’amour universel et inconditionnel en soi, la CNV requiert de se connecter à notre chakra du cœur… « Quand on tente de vivre et d’appliquer cette façon d’être en relation, on ne se préoccupe pas seulement de ce qui doit être produit, mais aussi de ce que chacun-e vit. Cela permet d’aborder autrui en restant en accord avec son humanité et, de la sorte, on stimule la bienveillance en soi et en l’Autre… En se familiarisant avec la CNV, on développe la conscience qu’on ne gagne pas si on gagne seul ou au détriment de quiconque », explique Anne Van Stappen dans le Petit Cahier d’exercices de Communication Non Violente. Elle poursuit en disant que « La CNV est par excellence écologique, parce qu’elle aide à transformer l’énergie CONTRE en une énergie POUR .En effet, critiquer, ruminer, râler ou fulminer, cela gaspille une énergie considérable et c’est peu productif. Avez-vous un petit vélo dans la tête qui vous assaille de pensées répétitives, accusant ou jugeant l’autre, tantôt vous-même ? ».

La CNV se vit donc sur 2 plans : 

Le premier qui est la raison d’être de cette approche est une recherche de bienveillance et d’une qualité de connexion avec soi et avec l’autre.

Le second, c’est un processus communicationnel qui vise à servir le premier et qui se définit par 2 volets essentiels que sont l’expression honnête de soi et l’écoute respectueuse de l’Autre et qui se compose de 4 étapes :

  1. L’observation des faits,
  2. L’expression (facultative) de sentiments (liés TOUJOURS à des besoins satisfaits ou non satisfaits),
  3. L’expression des besoins (à l’origine des sentiments éprouvés),
  4. La formulation d’une demande claire et réalisable par l’autre.

Marshall Rosemberg, fondateur de la CNV qualifie la violence relationnelle ainsi : « La violence est l’expression tragique de besoins non satisfaits. C’est la manifestation de l’impuissance et /ou du désespoir de quelqu’un-e qui est si démuni qu’il pense que ses mots ne suffisent plus pour se faire entendre. Alors il attaque, il crie, il agresse… ».

L’observation

Aussi, venons-en au fait, quels types de phrases pourrions-nous qualifier de violentes et de non-violentes ? Voici ci-dessous 3 phrases de communication ordinaire et insidieusement violentes même si nous y sommes habitué-e-s et ne nous rendons pas compte qu’il provoque de la violence :

  1. Tu es tout le temps en train de parler.
  2. Tu es trop brutal avec les enfants.
  3. Tu as l’air blasé.

En CNV, ça donnerait :

  1. Hier tu as parlé tout le long du repas et ce matin au petit déjeuner tu as parlé pendant toute l’heure.
  2. A chaque fois que tu joues avec Léa et Paul, ils chutent et se font mal.
  3. Lorsque je te vois en ce moment, tu ne ries plus et ton visage a les traits tirés, tu vas bien en ce moment ?

L’idée c’est qu’à chaque fois que l’on va s’exprimer sur une chose, au lieu de donner notre interprétation de tel ou tel phénomène, nous allons veiller à partir d’un fait réel et descriptible et cette formulation invite à plus de dialogue que si nous enfermons l’autre dans ce que nous pensons de telle ou telle chose. Ici, l’intention est de ne pas évaluer quoique ce soit. Lorsqu’on pratique le yoga et que nous souhaitons l’enseigner, une autre qualité est requise : l’humilité, la simplicité et l’exigence d’être juste.

Le sentiment

Dans notre vie et ce depuis l’enfance, on ne nous apprend pas à nommer nos émotions et à en comprendre l’origine. Ce qui explique certainement ce qui freine la compréhension de l’autre vis-à-vis de nous-mêmes si nous ne connaissons pas intimement la source de telle ou telle émotion… « Un sentiment est un messager, un indicateur veillant à nous annoncer que quelque chose en nous est comblé ou demande de l’attention : ce quelque chose en CNV, se nomme le « besoin ». Nous l’explorerons au cours de la troisième étape. Les étapes du sentiment et du besoin sont inséparables : « si je me sens confus-e », cela signifie que « j’ai besoin de clarté » » explique Anne Van Stappen. Elle poursuit : « Souvent, on croit que nos sentiments sont engendrés par les événements ou par les actions d’autrui. Or ce n’est pas le cas : NOS SENTIMENTS PROVIENNENT DE NOS BESOINS !  Ainsi, nous sommes nombreux à croire profondément que notre mal-être ou notre bien-être dépendent des actions générées par notre entourage et cela représente une grande source de violence. Si l’on exprime à son enfant que le fait qu’il ne rapporte pas de bonnes notes à l’école est une cause de tristesse pour nous, cela lui renvoie une lourde responsabilité, à savoir qu’il est responsable de notre bonheur ou de notre malheur. Prendre notre responsabilité nous amènerait à aller toucher plus intimement la source de cette tristesse et de se rendre compte que ce qui nous rend triste, c’est notre besoin de participer au bien-être de notre enfant, que notre éducation porte ses fruits etc…

La demande

Cette dernière étape consiste, dans la formulation, à prendre en charge son besoin et d’initier ainsi un changement. Comme dit Guy de Beusscher « La demande, dans la conscience des besoins, est la clé de l’abondance ». 

En reprenant le Petit Cahier d’exercices de CNV, voici comment procéder :

Une demande comporte 6 critères :

1-Elle s’adresse à quelqu’un-e de précis : »Serais-tu d’accord de… » et pas « est-ce qu’on pourrait m’aider ? ».

2- Elle concerne l’instant présent : « Me dire si tu veux faire la vaisselle… » et pas : « Dorénavant, tu feras la vaisselle ! ».

  1. Elle est concrète : « Me dire si tu veux faire la vaisselle » et pas abstraite comme « m’aider ».
  2. Elle est exprimée en langage positif : éviter les négations comme « de ne plus ».
  3. Elle est réalisable : demander l’impossible est le meilleur moyen pour ne rien obtenir !
  4. Elle laisse le choix : »Serai-tu d’accord de … » et pas « Je veux que tu… ».

Je vous aurais livré une très courte présentation de ce que revêt la CNV et cela n’a aucunement la prétention de vous livrer une recette magique pour un mieux-être relationnel. Si vous êtes intéressé-e-s par la démarche, n’hésitez pas à vous approfondir la question, de nombreux ouvrages existent, notamment ceux de Marshall Rosemberg.

Et le yoga dans tout ça ?

Pratiquer le yoga, c’est prendre la mesure de notre pleine responsabilité d’être dans le bonheur ou non. Pratiquer le yoga c’est installer un espace d’écoute intérieure et profonde, c’est pénétrer de façon subtile et honnête le fil de nos pensées, de notre mental afin d’offrir plus de place à la source d’amour qui est en chacun-e de nous. Et c’est en allant au cœur de soi-même que l’on peut trouver sa résonance avec l’autre. Le yoga permet de cultiver l’auto-empathie en nous permettant d’accéder à notre pouvoir d’auto-guérison par le don à soi et le don de soi. 

Je vous invite à pratiquer cet exercice d’auto empathie après une pratique de yoga et de méditation issu du Petit Cahier d’exercices de Communication Non Violente :

Exercice d’auto-empathie

Pensez à une situation difficile. Observez la situation : Quand je pense à …

Accueillez vos sentiments avec bienveillance et persistance :

… je me sens…

Recherchez vos besoins non satisfaits :

…parce que j’ai besoin de …

Recherchez l’action que vous pourriez entreprendre pour rencontrer l’un de vos besoins :

…et maintenant, je vais…

 

Pour finir, même si tout ceci n’est qu’un résumé très succinct de ce qu’est la CNV, en tant qu’enseignante de yoga ou entant qu’être relationnel tout simplement, je vous invite à penser à une attention que quelqu’un vous a adressée et qui vous a fait du bien en vous donnant envie d’avancer et de poursuivre dans une voie de progression. En effet, « l’encouragement et l’appréciation positive sont des vitamines dont chaque être humain a besoin sans oser les demander ou les recevoir » afin de donner envie à ceux qui nous entoure de croire en eux, en leur potentiel de vie et d’expansion et ainsi de contribuer à la construction d’un monde plus doux où chaque être sait entre en résonance avec l’autre car il sait mieux entrer en contact avec lui-même. La pratique du yoga et de la CNV offrent déjà un sacré pouvoir de transformation ! 

Je vous remercie pour votre attention et n’hésitez pas à réagir à tout cela si le cœur vous en dit !

Rendez-vous à la fin du mois pour un prochain article,

Cécile.