Parenthèse philosophique

« Epicurisme » ou « hédonisme » sont devenus des mots courants pour signifier que l'on profite de la vie. On s'imagine assez vite à la plage en se délectant de cocktails et autres fruits exotiques. C'est une certaine conception du bonheur. Des siècles plus tard, l'héritage de la philosophie grecque et plus encore, celui des maîtres de yoga, est toujours présent dans la pensée collective, mais savons-nous vraiment de quoi il s'agit ?

Des sagesses universelles

Les ponts entre les philosophes de la Grèce antique et les yogis de l'Inde ancestrale sont nombreux. Au sein de ces deux familles, on fait le postulat d'un monde fait de souffrances physiques et psychiques. On constate aussi que la plus grande cause de souffrance psychique, c'est ce flux incessant de pensées incontrôlées. On recherche alors la sérénité de l'esprit, caractérisée par l'absence de troubles. C'est un art de vivre heureux. Après tout, quoi de plus normal que de vouloir se délivrer des souffrances ?  

La plupart du temps, ce que l'on vient chercher dans un cours de yoga, c'est du mieux-être. Au fil du temps, on s'aperçoit que cela apporte aussi et surtout une meilleure connaissance de soi. Socrate nous dit : « Connais-toi, toi-même, et tu connaîtras le monde et les Dieux ». C'est justement en allant à la recherche de soi qu'il est possible de définir précisément ses besoins. Mieux se connaître permet d'éviter de gaspiller son énergie dans des choses qui ne nous conviennent pas. Le Samkhya, l'un des textes fondateur du yoga, constate que pour contrer leur souffrance, les hommes sont constamment en quête de bonheur et d'immortalité. Les indénombrables désirs deviennent insatiables au point de faire disparaître la véritable nature humaine. La conscience pure est alors enfouie sous les décombres d'envies insatisfaites. Ce texte invite à une reconnexion avec cette conscience pure, c'est au final le même message que Socrate.

Dans les grands mouvements de la philosophie grecque (stoïcisme, épicurisme, scepticisme) le bonheur est défini par « l'ataraxie » qui signifie « absence de trouble ». C'est le résultat d'une paix profonde de l'esprit obtenue par la modération et l'harmonie. Cette notion de calme mental est également développée au commencement du fantastique recueil de Patanjali, les « Yoga-Sutra » œuvre de référence en la matière. En effet, dès les premières lignes de cet ouvrage ancestral, on apprend que le yoga, c'est « l'arrêt des perturbations du mental ». C'est une évidence, quand la machine à penser s’emballe cela engendre du mal-être. La psychiatrie moderne a elle aussi fait ce constat. Elle propose quant à elle, des traitements médicamenteux qui ont pour effet de lutter contre la désorganisation des pensées.

Il est fascinant de constater à quel point le yoga a su identifier les causes de souffrance et proposer des solutions bien avant le monde moderne. Le yoga est définitivement universel et intemporel. Il aurait pu être nommé « atarxie » par les philosophes grecs.

Le renoncement

La doctrine épicurienne est souvent interprétée à tort comme une succession de festivités incessantes où on recherche le plaisir avec excès. En réalité, pour vivre heureux et longtemps, l'épicurien doit réduire l'objet ses envies et aller vers des actions amenant l'absence de douleur. Il doit agir sobrement et renoncer aux désirs non-naturels et non nécessaires, car ils sont source de souffrance. Celui qui recherche la gloire, la richesse ou l'immortalité sera éternellement insatisfait, il en voudra toujours plus. L'épicurisme, c'est un savant mélange de joie tempérée, de tranquillité et d'autosuffisance où le bonheur est central. C'est ce que nous appelons aujourd’hui « la sobriété heureuse ».

De son côté, le yoga, invite lui aussi à prendre du recul et à se détacher de tout résultat. Il n'existe pas de compétition de yoga, aucune performance n'est attendue, c'est un chemin personnel. Plus la pratique est persévérante, dévouée et enthousiaste et plus le détachement est important. Dès lors, on ne va plus au cours de yoga pour « se sentir mieux » on y a va avec plaisir, c'est tout. Le fait de renoncer au fruit de ses actes peut s'appliquer dans tous les domaines(loisirs, vie personnelle et professionnelle). Faire de son mieux sans en espérer de bénéfice, c'est être libre face à ses émotions, c'est s'améliorer, calmer son mental. C'est aller vers plus de paix intérieure, vers l'ataraxie. Le renoncement ce n'est pas seulement l'abandon des satisfactions personnelles, c'est aussi et surtout le gain d'une plus grande liberté et d'une plus grande moralité.

Grèce antique, Inde ancestrale, psychologie contemporaine… Quelle que soit l'époque et le contexte, la connaissance de soi, la sobriété et le détachement s'imposent comme des solutions universelles pour trouver sa stabilité et se rapprocher de sa vraie nature.