Se redécouvrir grâce au yoga

D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? En voici des questions vertigineuses qui nous traversent au moins une fois dans la vie ! Le célèbre peintre Paul Gauguin a excellé en la matière puisque c'est ainsi qu'il a nommé l'une de ses œuvres références en peinture occidentale du 19e siècle : « D'où Venons Nous, Que Sommes Nous, Où Allons Nous » . Ce titre ne contient pas de points d'interrogation. Souffrant, Gauguin avait l'intention de se donner la mort une fois cette toile achevée. Il lui fallait trouver des réponses avant le grand saut. Même s'il s'agit de questionnements traversant les époques, les genres et les classes, la plupart du temps nous évitons de les affronter tant les possibilités de réponses sont infinies. Le yoga n'a pas vocation à répondre à toutes les questions existentielles (encore que …) Ce qui est certain en revanche, c'est qu'il aide à mieux se connaître. Finalement, la découverte de soi n'est-elle pas la seule qui fasse sens ?

Huile sur toile réalisée par Paul Gauguin à Tahiti entre 1897 & 1898 d'une dimension de 1,4 mètres de hauteur par 3,7 mètres de longueur. La lecture se fait de gauche à droite (titre en haut à droite)

S'observer

À priori l'exercice d'observation de soi paraît enfantin, mais c'est bien connu : ce sont les choses les plus banales qui nous en apprennent le plus ! En s'autorisant l'écoute de soi, on constate que le corps nous parle. Si au cours de cette lecture vous prenez quelques minutes pour être attentif(ve) à vos points d'appuis (pieds, assise, posture de la colonne, position des membres) vous constaterez que vous allez vous réajuster naturellement pour être plus à l'aise.

En yoga, la posture d'observation se nomme : samasthiti (sama = uni, égal / sthiti = position, stabilité). Il s’agit de se tenir debout (pieds joints, bras le long du corps) en cultivant simultanément les états de détente et de concentration. Dans le fait d'observer l'entièreté de son corps debout et stable, il est possible de détecter la présence de points de tensions, c'est une sorte d'auto-diagnostique. C'est aussi dans cette posture à la fois simple et profonde qu'on remarque la verticalité propre à la nature humaine. Nous évoluons bien entre terre et ciel, là où se trouvent les cinq éléments que l'on peut aussi retrouver au sein du corps humain. Des pieds jusqu'aux genoux, nous sommes reliés à la Terre. On parle bien de la « plante » des pieds. Des genoux jusqu'au bassin, on trouvera l'élément Eau. C'est ici que l'évacuation des liquides se produit. Lorsque l’élimination se fait de façon fluide et constante (comme une rivière) nous allons généralement plutôt bien. Du bassin jusqu'à la poitrine, on pourra constater la présence de l'élément Feu. On nomme par exemple les maux de l'estomac « brûlures ». En yoga, on parle aussi du « feu digestif ». Dans la zone allant de la poitrine jusqu'aux yeux se trouvent tous les organes respiratoires. C'est donc naturellement ici qu'on trouve l'élément Air. Enfin, des yeux au sommet du crâne, on retrouve l'Espace, là où nous pouvons être « dans la lune » ou encore « illuminés »... N'est-il pas essentiel d'avoir la tête dans les étoiles et les pieds sur terre pour réaliser ses rêves ?

La nuance des sens

Les sens constituent globalement la frontière entre un individu et son environnement. Les organes liés aux sens permettent non seulement la perception (ouïe, toucher, vue, goût, odorat) mais aussi l'action (parole, préhension, mouvement, nutrition, procréation). Toutes ces fonctionnalités sont dirigées par le mental, indétrônable chef d'orchestre. Lorsqu'il n'est pas concentré, il devient l'esclave des sens à cause des stimulations extérieures. Exemple typique : « Je ne peux pas travailler, il y a trop de bruit ! » Si par contre la concentration est totale, l'exemple sera à l'inverse : « Je n'ai pas entendu, je travaillais. » Ainsi, grâce à la concentration, on pourra différencier, voir et regarder, entendre et écouter, se nourrir et déguster, sentir et ressentir ... Les organes sensoriels doivent être au service de l'esprit pour qu'il soit libre de recevoir les messages et d'ordonner ou non une réaction. C'est ici l'une des clés pour ne pas subir ce qui nous entoure. Cette maîtrise des sens n'est pas figée, il faut la travailler et l'entretenir. On peut se croire comme ci ou comme ça durant de nombreuses années et s'apercevoir en fait que nous sommes différent(e)s de cette étiquette. Rien de tel que la pratique du yoga et de la méditation pour découvrir cela.

Se détacher

En chef d'orchestre compétent, le cerveau peut diriger plusieurs instruments simultanément. Or, quand ceux-ci sont trop nombreux, il ne sait plus rétablir l'harmonie, c'est la cacophonie. Lorsque la conscience laisse les rênes à un mental surchargé, on ne perçoit plus les priorités. C'est ainsi que la psychologie contemporaine a fait apparaître la notion de « surcharge mentale ». Pour créer à nouveau une mélodie à l'unisson, retirer des instruments est la solution la plus simple. C'est le fameux « lâcher prise ». On se détache du désir de maîtrise pour trouver un meilleur équilibre en écoutant davantage son cœur. Le mental doit céder sa place de chef d'orchestre. Le yoga apaise les pensées et ouvre le cœur. C'est un peu comme retirer les instruments superflus pour mieux écouter sa mélodie intérieure et ainsi être en harmonie avec soi. La conscience et le cœur reprennent leurs places, il est alors possible de percevoir ce dont nous avons réellement besoin. Cette capacité d'accepter ou de laisser en attente des sollicitations extérieures est un pas vers la liberté. Il devient alors possible de rentrer chez soi sans se précipiter sur la télévision, le frigo, le travail, etc. Le choix s'effectue librement. Une fois cette liberté acquise, le détachement émotionnel est aussi plus accessible.

Cette redécouverte de soi est possible à n'importe quel moment. Le répertoire intérieur est sans fin. Hier guitariste, aujourd'hui chef d'orchestre et demain trompettiste ou violoniste, c'est la sublime symphonie de la vie.